trois jours dans le SINE SALOUM

TROIS JOURS DANS LE SINE SALOUM

Après 10 jours passés à Nianing, nous embarquons le 12 mars à bord d’un véhicule  Renault 21 qui affiche 450 000 kms au compteur, pour un périple de 10 jours en itinérant avec notre guide préféré Barry qui connaît très bien son pays ainsi que les nombreuses familles que nous rencontrerons grâce à lui.

Il nous prévient des conditions de trajet difficiles du fait de l’état des routes peu praticables, des pistes, de la chaleur (35 à 38 degrés), des troupeaux de bêtes qui traversent le chemin quand bon leur semble : zébus, chèvres, ânes, chiens…, des taxis-brousse surchargés et autres véhicules qui zigzaguent sur la route, comme nous d’ailleurs, pour éviter d’énormes trous dans ce qu’il reste de la chaussée. Nous allons, d’ailleurs, nous retrouver dès cette première journée, sur le chemin d’un âne qui fonce à vive allure sans s’arrêter à notre passage et enfonce une partie de l’aile droite et de la portière de la voiture. Serait-ce un présage de mauvais augure ? Notre chauffeur-guide semble perdu dans ses pensées !

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Nous roulons en direction de Ndangane, vers notre 1er campement. La route puis les pistes nous amènent dans la brousse. Sur le trajet, dans les champs nus, desséchés, en attente de la culture du mil à la saison des pluies entre juin-juillet et octobre-novembre, nous apercevons quelques hommes qui ramassent de la paille pour leurs animaux ou pour leur construction, des enfants qui parcourent des kilomètres avant d’arriver à l’école, des jeunes désœuvrés… Lorsque nous traversons les villages, les femmes, regroupées le long de la route, nous sollicitent vivement pour acheter leurs produits : lait frais de zébu dans des bouteilles en plastic, légumes, fruits (jujubes, papayes, oranges, bananes, ananas, pain de singe, etc.…) des arachides, des céréales (riz, mil, sorgho…), des haricots secs comme le niébé, des plantes séchées comme par exemple des fleurs d’hibiscus pour faire du bissap, une boisson rafraîchissante ; des objets en bois, des tissus de toutes les couleurs, des bijoux….

Barry nous conduit jusqu’à un magnifique baobab en pleine nature, sous lequel nous trouvons enfin un peu de fraîcheur. Cet arbre millénaire, emblème du pays pour sa longévité, est partout sur le sol sénégalais. A cette période sèche, ses branches dénudées ressemblent à des racines. Le bois du baobab est spongieux et fibreux et ne brûle pas c’est pourquoi il n’est pas utilisé comme combustible pour faire la cuisine mais il a beaucoup d’atouts pour les besoins de la population : ses fruits « le pain de singe » donnent un jus pour soigner la diarrhée ; ils peuvent aussi être sucés nature ; ses feuilles, séchées au soleil, sont mélangées au mil pour être consommées ; son écorce sert à la fabrication de cordes, de paniers, de hamacs…

Autrefois, le baobab servait de tombeaux aux griots, pratique interdite par Léopold Sédar Senghor, président de la République de 1960 à 1980.

La piste nous emmène de villages en villages dans la brousse. Ils sont tous conçus de la même façon : un ou plusieurs puits pour les besoins de la population ; un ensemble de cases construites le plus souvent en tiges de canne à sucre (murs) et en paille de mil ou feuilles de palmier(toit), entouré d’une clôture , forme l’habitat d’une famille constituée des grands-parents, des parents (le père avec sa ou ses femmes) , des enfants et parfois de neveux et nièces. Barry tient à nous présenter l’une d’entre elles qu’il connaît bien, isolée dans la brousse. Nous rencontrons la grand-mère et la mère des 12 enfants. Le plus jeune est présent ; ses frères et sœurs sont partis à l’école sauf 2 d’entre eux, choisis, sacrifiés, pour garder tous les jours les troupeaux.

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Les besoins primaires de la famille sont couverts mais au prix de rudes travaux physiques : aller chercher l’eau au puits situé à environ 800 mètres, décortiquer et piler le mil pour en faire de la farine, laver le linge de toute la famille à la main, récupérer du bois dans les champs pour faire la cuisine…

Sur notre chemin, nous apercevons une jeune femme dans son jardin potager en train de casser du bois à la hache, le morceau rebelle coincé entre ses pieds nus, sous une chaleur torride. A ses côtés, ses 7 enfants, joyeux, jouent, se chamaillent…Nous nous arrêtons pour la saluer et admirer ses beaux légumes. Cette belle femme de 36 ans nous accueillent avec le sourire et nous explique qu’elle s’occupe seule de ce jardin car son mari travaille comme électricien à Dakar et ne rentre qu’une fois par mois environ à cause de la distance. La famille mange les produits récoltés et vend le surplus au marché. La journée s’achève, elle va rentrer à pieds à sa maison qui se trouve à 1km de là….

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Nous sommes impressionnés par l’accueil chaleureux de ces femmes, par leur disponibilité malgré toutes les tâches qu’elles ont à accomplir, par leur calme, leur regard souriant et détendu…Elles vivent l’instant présent ; La vie se vit au jour le jour…

La visite d’une école primaire et l’échange avec son directeur de 33 ans nous montre le développement important de l’éducation dans le pays ces dernières années. Nous sommes invités dans sa classe construite par les parents, en bambou et en paille. Une soixantaine d’enfants s’agitent joyeusement à notre arrivée. Pour nous accueillir, ils chantent et dansent avec tout leur cœur. Ils sont actifs et sont heureux d’être à l’école. L’enseignant nous explique sa visite dans chaque famille chaque année scolaire afin que les parents comprennent toute l’importance de scolariser leurs enfants.

Notre première nuit au campement à Ndangane nous accorde peu de repos tellement la chaleur sous le toit de tôle nous fait suffoquer. Une bonne douche froide à 6 heures nous remet en état pour poursuivre notre itinéraire.

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Nous traversons le Saloum en ferry pour rejoindre Toubacouta. Nous avons rendez-vous avec Ibou, l’ami de notre guide, Barry, qui est surveillant général dans un établissement scolaire de 900 élèves, de la classe de sixième à la terminale. Nous saluons le directeur installé dans un modeste bureau.

Ibou nous reçoit dans sa maison pour manger le poulet yassa accompagné de sa délicieuse sauce aux oignons. Sa femme, illettrée, ne déjeune pas avec nous mais avec ses 6 enfants dans une autre pièce. Les enfants, calmes, vont et viennent librement. C’est un repas gargantuesque, très coloré, épicé et surtout délicieux.

Arrive l’instant du thé à la menthe avec tout le rituel : La préparation des 3 thés successifs pendant laquelle les échanges ne manquent pas. Puis vient le moment d’immortaliser ces instants gravés dans nos mémoires par quelques photos de famille.

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A Missira, ville de pêcheurs, nous faisons la connaissance d’Alassane, autorité chargée du développement local. Il nous présente toutes les activités liées à la pêche : le séchage du poisson au soleil, enduit de sel ou baignant dans une saumure, est l’affaire des femmes ainsi que le fumage ; le décorticage du poisson séché ; la cueillette, l’ouverture et le séchage des huitres au soleil. Toutes ces activités n’ont pas d’existence juridique. Chacun vend son travail à un autre, en espèce, selon des habitudes.

Alassane nous invite à découvrir un jardin collectif de deux hectares dont il est à l’origine. Nous y trouvons des oignons, des aubergines, des tomates, du persil etc…Le développement de ce projet en cours est soutenu, actuellement par des aides individuelles au fur et à mesure

des besoins. La pérennité de cette action nous semble fragile si elle n’est pas consolidée par d’autres démarches comme la mise en relation avec des associations qui œuvrent déjà dans le domaine. Affaire à suivre…

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Puis, une pirogue nous conduit sur l’ile de Sipo. Sur le trajet, nous avons vue sur la mangrove constituée de palétuviers sur lesquels s’accrochent les huitres, et se reproduisent les poissons.

Nous débarquons sur une ile habitée par 200 personnes. Ce lieu paradisiaque : calme, environnement propre et ordonné, agencement remarquable, accueil chaleureux de ses habitants (mères avec leurs bébés, jeunes enfants, chef et reine du village, instituteur…) nous impressionne. Les personnes ici semblent vivre hors du temps dans une ambiance paisible, sereine.

Notre guide qui est connu de tous sur cette île, nous présente la plupart des familles. Une ribambelle d’enfants très attachants nous accompagne. L’un d’entre eux se met à taper en rythme sur un bidon et tous les autres frappent dans les mains et dansent. Ils débordent d’énergie et de joie de vivre.

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Lors de notre retour à la pirogue, 5 jeunes attendent sur la plage une occasion pour rentrer. .Très heureux de cette occasion, nous les prenons à bord. Une discussion s’engage avec l’un d’entre eux.

Ce garçon a 21 ans. Il fait partie de cette équipe de briqueteurs. Ils fabriquent sur place les briques d’un chantier à venir (c’est l’habitude ici). Elles sont faites de sable pris sur le lieu et de ciment, mouillés. Le mortier est ensuite moulé. Ce jeune travaille 6 jours sur 7 pour 35000 FCFA par mois (environ 55euros). Il est le second dans une famille de 10 enfants. Son père est décédé. Son oncle (frère de son père) vit maintenant avec sa mère, qui était la seconde femme de son père défunt, comme cela se pratique. Pendant la période des céréales, ce jeune va travailler dans les champs avec son oncle.

Dans sa famille, ils sont 2 ou 3 à subvenir aux besoins de tous. Pour lui, les choses vont ainsi de soi, cela fait partie du contrat social de base.

Nous quittons le Sine Saloum pour partir vers le nord.

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