les trésors de la vie nomade

Au terme de ce voyage, nous avons échangé sur la vie de voyageur que nous avons adoptée depuis 7mois. Nous avons voulu en laisser une trace , pour se rappeler. Nous avons décidé de vous faire part de cette réflexion qui n’a d’autre but que de vous relater cette expérience au cas ou cela aurait un sens pour vous.

1-Le nouveau prend la part essentielle

-le jour où nous sommes allés de Inari à Rovaniemi  , nous ne connaissions pas la route. Nous avons découvert qu’elle était entourée de forêts et de lacs. En Finlande la route ne traverse jamais les villages, elle est peu fréquentée, en bonne état….. En arrivant à Rovaniemi, nous apercevons au-dessus des arbres une construction élevée, il s’agit de la piste de saut à ski. Entrés dans la ville nous voyons qu’il y a beaucoup d’eau ; on ne sait pas dire si c’est un lac ou un cours d’eau, parce qu’il y a en a partout. En fait plusieurs cours d’eau se rejoignent. Il est 17H .nous n’avons aucune idée de l’endroit où nous nous installerons. Sera t’il calme, agréable ….puis nous sommes accueillis par une jolie finlandaise blonde ; puis ; puis …..C’est ainsi toute la journée de découverte en découverte ,et ainsi jour après jour. De ce fait le voyage développe notre capacité d’adaptation à des lieux et à des situations inconnues, imprévues.

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2-La notion du temps change

Dans le voyage, le temps n’est plus source de stress puisque nous n’avons plus d’obligations hormis celles que nous nous choisissons. Nous remplissons nos journées de ce dont nous avons envie, d’activités plaisantes sans nous sentir coupables de quoi que ce soit. Nous sommes maîtres de notre temps. Nous sommes un peu comme des enfants. Nous vivons au jour le jour, l’instant présent. Au terme d’une activité, d’une visite, d’une rencontre, nous ne sommes pas pressés par le temps car rien n’est imposé…Nous avons toujours le temps !

3-Le détachement rend l’instant plus complet.

-tout ce que nous voyons, nous le quitterons dans les instants suivants. Aucune place pour le projet. Nous n’avons qu’une chose à faire : apprécier. Il n’y a pas de place à l’élucubration. Évidemment, nous ne nous posons pas la question, c’est ainsi. La situation l’impose et nous en profitons. Nulle possibilité de nous dire : je vais l’acheter et en faire ceci ou cela. C’est un peu comme si nous perdions un sens (comme la vue ou le toucher) et que cette absence permettait de développer les autres.

4-Le contact avec l’environnement est bénéfique.

-Nous sommes, au cours du voyage, beaucoup plus à l’extérieur et même quand nous sommes dans la roulotte, nous sentons beaucoup plus l’extérieur : chaud, froid, vent, soleil, pluie, calme, chant des oiseaux,jour, nuit. Cette proximité nous permet de mieux sentir notre appartenance à l’univers,et donc nous incite au respect. Cela nous donne un sentiment de détente, d’apaisement et de sérénité. La maison nous met dans une boite de coton qui sert d’amortisseur permanent. Ça présente des avantages comme la tranquillité, mais ça coupe les sens de la vie (l’essence de la vie). Cela nous donne beaucoup d’énergie, nous avons l’impression de respirer dans le rythme de la nature.

-La vie nomade favorise la santé .Nous remarquons que nous n’avons pas eu un seul rhume en 7 mois de voyage et pourtant le climat humide et(ou) froid était souvent présent. Nous pensons que le fait de se sentir beaucoup moins stressés, d’être en phase avec nous-mêmes, de retrouver le rythme de la nature et de s’en rapprocher en étant beaucoup plus à l’extérieur, de se sentir bien dans notre environnement, de faire partie de l’univers renforcent probablement notre système immunitaire.

5-Les opportunités sont une nécessité.

- un jour, il faut faire le ménage dans la roulotte. Quel jour allons-nous choisir ? En fait il n’y a pas le choix. Un jour, c’est le moment : il fait beau, l’équipement est à disposition, le sac de linge sale est plein. Allons y, c’est jour de fête : le grand ménage. Tout dans la machine à laver, puis dehors au soleil. Nous en profitons pour améliorer l’organisation de l ‘espace, régler quelques questions techniques. Curieusement, comme ces questions d’intendance nous ont laissés en paix le reste du temps, c’est un vrai plaisir de s’en occuper….. et puis tout retrouve sa place, accompagnée d’une odeur de lessive et de propre ; un morceau de paradis.

6-Ne pas être dans son environnement habituel libère.

Dans la roulotte, nous avons le nécessaire vital : des vêtements, quelques ustensiles de cuisine, une pharmacie, des livres, des CD, des DVD, un ordinateur et de quoi écrire…

Nous avons un sentiment de légèreté, d’insouciance…On laisse derrière soi la maison et l’intendance, les obligations réelles et celles qu’on se donne et tout ce qui fait notre quotidien ,rythmé par l’activité professionnelle, les relations sociales…d’ailleurs à ce propos, parfois,à la maison, nous avons l’idée de faire quelque chose de nouveau, mais, la question écrasante, vraiment écrasante se pose : « que vont-ils en penser ? » Vous savez bien, tout ceux qui veulent penser pour nous ; ceux qui nous aiment non pas pour ce que nous sommes mais pour ce que nous faisons, ceux qui ne pourraient pas imaginer que nous puissions faire cela, ceux qui diront à nos voisins : «  ils ne l’ont tout de même pas fait, ils ont fait un blog de voyage, ce n’est pas possible, pas eux !!!La vie nomade éloigne de tout cela et permet au rêve de s’exprimer.

Comme c’est bon !

7-Ne rien avoir sous la main favorise la création.

-Même au travail on peut ne rien faire et avoir une journée bien remplie. Mais en voyage il n’y a rien à faire. Il n’y a personne pour nous déranger. Quand ce n’est pas le jour (voir paragraphe précédent) il n’y a rien à ranger ; on peut balayer le matin, le midi et le soir, mais à chaque fois, c’est un mètre carré. Il faut maximum une minute ou une minute trente. Mais après …… au début, il faut se roder, mais ca vient, après on va écrire, on va photographier, on va dessiner, on va s’assoir et écouter, on va échanger (pas dire du mal des voisins, ils ne sont pas là, on ne sait même pas ce qu’ils sont en train de faire)…….finalement s’ouvre un tas de possibilités laissées en jachère jusque là et qui ne demandent qu’à se déployer.

8-nous retrouvons une place pour l’émerveillement

Il s’agit de l’émotion créée par ce que l’on voit, ce que l’on sent, ce que l’on entend, ce que l’on fait. Tout peut être source d’émerveillement, à condition que le robinet de l’émerveillement soit ouvert. Il y a des traités sur le sujet.

L’enfant s’émerveille. il suffit de le regarder avec son chat, en train de dessiner. Et puis la vie lui apprend ce qu’il faut dire, faire, voir, penser même. Il ne s’émerveille plus, il est éduqué.

Là encore par l’espace qu’il nous donne, le voyage, peut contribuer à faire renaitre l’émerveillement. Comme il nous éloigne des contraintes de la vie quotidienne, il donne de la place pour oser cette sensation qu’est l’émerveillement. N’est ce pas finalement le plus important?

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9-Vivre la vie comme on la ressent

-Dans la vie quotidienne, il y a place pour chaque chose :les repas, le travail, les rendez vous, l’intendance, etc c’est sans doute bien, ainsi. La vie s’organise parce que nous sommes dans une société et qu’en permanence nous tenons compte des autres. En voyage, nous pouvons réduire ces contraintes à leur plus simple expression. « nous pouvons » ce n’est évidemment pas une obligation, car nous pouvons aussi continuer de nous organiser au cordeau, pour tirer le meilleur du temps qui nous est donné. Mais nous pouvons écouter nos aspirations spontanées, leur donner de l’espace. L’intérêt de faire ainsi, c’est la grandeur du plaisir qui en découle, le sentiment de satisfaction de l’instant cueilli, la qualité et l’intensité de ce que l’on fait, voir le développement de notre capacité de compréhension liée à notre disponibilité.

- autre aspect à cette question: illustrons. Un jour nous arrivons en Bulgarie dans un site. Nous avions perdu le plaisir de voyager. Un moment de doute nous a envahi . Nous essayons de ressentir, mais pas de plaisir , pas d’aspirations . Nous sommes restés sur place durant 3 jours. Nous nous sommes reposés, avons marché et profité du soleil. Et tout naturellement nos sensations ,notre plaisir est revenu, intact. Ça ne se décrète pas . Nous étions fatigués , il fallait se reposer. il fallait seulement créer les conditions favorables pour que l’on ressente bien les choses. Ça fait partie de l’hygiène de la vie comme le sport, l’alimentation, les échanges, etc…

10-A la rencontre des autres

-Sous un certain rapport, le voyage complique l’échange avec les autres étant donné que nous ne connaissons personne . De plus, la langue constitue une barrière, parfois difficile à franchir, dès que l’on veut véritablement échanger des opinions, exprimer des nuances, nous voyons rapidement les obstacles devant nous.

Mais, d’un autre coté, le fait d’aller dans des endroits inconnus, nous oblige à nous documenter pour mieux comprendre les particularités des sociétés que nous rencontrons. Et donc, même si ça pourrait être beaucoup mieux si nous avions tous la même langue, nous apprenons considérablement des autres ( je ne parle pas évidemment de la semaine de vacances que nous allons passer dans un milieu aseptisé, identique dans tous les coins du monde ;dans ce cas on peut même éviter le déplacement, et le faire dans un bon hôtel de luxe auprès de chez nous.)

Il y a un autre aspect passionnant au vrai départ en voyage, c’est la séparation. Avant le départ, nous rencontrons nos familles, nos amis,nos relations, et nous nous disons des choses essentielles que nous ne nous disons que rarement ou jamais, un peu comme si c’était le départ définitif. Cet acte fait grandir la relation.

Enfin ,aujourd’hui, nous pouvons garder des contacts par internet ou autre. Mais l’éloignement physique n’est pas un éloignement du cœur . Nous avons du temps pour penser à chacun , comprendre ce qui nous lie.

11- que deviennent les relations avec notre compagnon de voyage

Pour ce qui nous concerne, nous sommes partis avec notre conjoint. Comme vous le savez , le conjoint a différentes fonctions dans le théâtre de la vie. Il est parfois mari ou femme, le parent de nos enfants, l’amant ou la maitresse,le protecteur…..

Sans doute en conséquence du réel plaisir pris dans ce voyage , nous avons pris conscience que nous étions devenus de grands amis. Comment est ce que ça se manifeste?

        • De différentes façons: nous passons des heures à échanger des opinions sur des sujets très divers( ressenti, lecture,réflexion,rêve et aspiration,désir ….). Cela nous fait développer le respect de l’avis ( et de la vie) de l’autre ,en essayant de comprendre dans le détail ce que l’autre pense,sans la moindre envie de le faire changer, avec la seule volonté d’approfondir notre propre opinion. Comme nous sommes sans pression par le temps ou autre chose, la considération de l’autre progresse considérablement. Il faut tout de même une volonté commune de le faire.

        • Nous avons régulièrement des fous rire, à en perdre la raison.

        • Nous portons sur l’autre un regard admiratif, qui nous fait nous réjouir d’être avec lui.

        • Nous nous exprimons sans retenue,avec précision, quand nous ne sommes pas d’accord sur une question qui nous concerne tous les deux .

        • Parfois s ‘exprime une tension entre nous. Elle peut avoir différentes origines. En général,cela vient de l’un ou l’autre, qui au fond peut ne pas être en super forme. Nous savons le déceler,en parler, en tenir compte et laisser les choses se passer tranquillement. Puis ça repart sans laisser de traces.

        • L’autre est un complice .A titre d’exemple, nous avons fait un exercice très intéressant mais que l’on n’ose pas faire tous les jours. Chacun a préparé une satire de l’autre avec un texte adapté. Ce que chacun a vu était plus clair que dans le miroir. Cela nous a fait comprendre la stupidité de choses que l’on peut dire ou faire dans des circonstances inadaptées. Il a tout de même fallu une bonne dose d’huile pour la digestion.

        • Dans de telles conditions de voyage, le compromis devient un art . Nous devons trouver les solutions consensuelles.

Évidemment, nous sommes dans les conditions du voyage et ne savons pas pour l’instant de quelle façon, le quotidien nous rattrapera. Il est vrai que nous ne connaissons pas la routine depuis le départ. Aujourd’hui, l’on se dit que si on retombe dans le train train, alors on repartira en voyage. A moins que l’on ait mémorisé quelques enseignements sur un art de vivre.

12- le voyage ouvre la vue

    • voyager jour après jour pendant une longue période nous fait découvrir une multitude d’espaces, de femmes et d’hommes,de climats,etc. Cela donne plus d’ouverture d’esprit vers des possibles auxquels nous n’avions pas pensés.

    • Chaque espace étant nouveau, nous avons une première impression à chaque fois, puis nous nous habituons . Ces premiers regards sont intéressants car ils n’ont pas d’histoire, ils sont spontanés. Le fait d’être parti nous fait sortir de notre environnement habituel et nous permet d’être plus critique sur notre quotidien, d’y apporter des ajustements. En fait au retour nous voyons mieux la couleur de l’eau du bocal dans lequel nous vivons.

    • La vie quotidienne est faite de nombreuses petites habitudes : petits déjeuners, déplacement au travail,lecture de l’information etc….Ces habitudes simplifient la vie, car elles évitent de se poser des questions qui prennent du temps,les gestes deviennent presque automatiques. Avec le temps ,ces habitudes deviennent des ornières dont il est difficile de sortir, que ces habitudes soient bonnes ou néfastes. Comme le voyage rompt beaucoup de ces habitudes, nous pouvons nous interroger sur la possibilité d’en changer quelques unes, et de refaire une autre ornière plus intéressante.

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13-Le voyage comme une formation à la vie

- Ainsi le voyage est d’une grande aide à la réflexion , sur soi , sur la vie, la société, les activités professionnelles . Il nous amène à nous poser la question du sens , de la vie, de notre vie, de comment nous la remplissons. Nous mesurons à quel point le voyage peut être une des grandes formations à la vie. Quel progrès considérable pour nous tous, dans le bonheur au travers de nos échanges, dans l’envie de créer (je ne parle pas de devenir un artiste , peu importe), d’être quelqu’un qui fait chaque chose de sa vie comme une œuvre, c’est-à-dire avec sa passion, ses capacités, son plaisir, et en retire un vrai épanouissement. Et finalement, comme dit le sage, ne pas faire les choses par ambition mais parce qu’elles s’imposent à nous. ….. citons pour conclure Marcel Proust, pour qui : » le seul, le vrai, l’unique voyage c’est de changer de regard » Tout un programme !!

merci la vie, merci le voyage……

3 Commentaires le les trésors de la vie nomade

  1. Bonjour Daniel et Geneviève
    J’ai pris connaissance avec plaisir de votre blog de voyage. Voici quelques réflexions en lien avec les vôtres :
    Vous avez, dans votre expérience nomade, vu s’éveiller une capacité de découverte et d’adaptation que la vie sédentaire, bien rodée, avait occultée. C’est une expérience d’ouverture et de rupture, d’acceptation et de détachement qui colle avec le mouvement de la vie. La joie de vivre en phase avec la nature et de gérer calmement le quotidien est aussi précieuse ; et aussi celle de n’avoir rien à faire, qu’à être. « Parfois, il faut se contenter d’être » disait Etty Hillesum.
    L’éducation bloque l’émerveillement, le savoir la curiosité, l’habitude l’esprit créatif. Vous redécouvrez ceux-ci dans la précarité du voyage ; la spontanéité aussi, plus encore : ce que Montaigne appelait « l’amitié maritale ».
    Il s’agit de changer de regard dites-vous. C’est plus sage en effet que de prétendre changer le monde. Le voyage ouvre la vue et par là forme à la vie. Continuez à cultiver un bel esprit de gratitude envers elle.
    Très amicalement à vous.
    Alain

  2. coutable sylvie // 10 mars 2010 á 15 h 28 min //

    j’aime beaucoup ce passage de bilan sur votre voyage
    j’ai toujours un peu de mal à exprimer avec des mots ce que je ressens
    mais en lisant ce texte je sens un grand apaisement, l’étincelle de vie au fond de soi, amour, respect…
    je sens que l’essentiel de la vie a été presque trouvé
    j’ai hâte d’en discuter avec toi Geneviève
    une question : est ce qu’on peut continuer à vivre comme ça dans notre société?
    moi j’y crois, je veux tendre vers ça aussi mais j’ai beaucoup de mal .
    il faut commencer par poser des actes , des petits actes puis continuer en fonction de ce qui nous anime (mais ce n’est pas si simple )
    je n’ai pas de soucis financiers ce qui est plus simple aussi (voir comment vivre cela avec peu d’argent?)
    bisous et à bientôt

  3. micheline barret vaury // 28 février 2010 á 22 h 59 min //

    Merci à vous d’avoir fait ce diagnostic ,d’une certaine façon de vivre la vie… je ressens, en lisant tout ça, une humanité que j’aimerais côtoyer à chaque coin de rue. Je sais bien, que pour certains la vie, n’amène pas cette possibilité, mais on doit pouvoir semer des graines. Amicalement et à bientôt.

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